Journées professionnelles de la conservation restauration, organisées par la Direction générale des Patrimoines

Pour la deuxième année consécutive, le Ministère de la Culture, et sous le patronage de Gaël de Guichen (ICCROM), a organisé en octobre 2012 des journées professionnelles sur la conservation préventive. J’avais assisté avec intérêt à celles de 2011, sur le thème « Pratiques actuelles et nouveaux enjeux », qui ont fait l’objet depuis d’une publication partielle (1), et je n’ai pu me rendre à celles-ci qu’un jour sur les deux, mais j’en suis ressortie tout aussi stimulée.

Bouteille Thermos

Ceci est un bâtiment d’archives – Vintage Thermos jug, par Fox & Thomas, sur Flickr CC by-nc

Le principe consiste à réunir conservateurs, conservateurs restaurateurs, ingénieurs et architectes, de tous les patrimoines (même les bibliothèques !), pour échanger et comparer les problématiques et les pratiques de la conservation préventive. On y aborde tout autant les questions climatiques, les « bouteilles Thermos », le développement durable et les parcours muséographiques que la programmation architecturale, la formation des agents, l’organisation des services et le dialogue avec les collectivités à l’origine du financement. Bien loin de l’auberge espagnole, les interventions sont organisées en tables rondes fondées sur le retour d’expériences toutes très bien choisies (on connaît bien dans le domaine de l’écrit le très beau projet des Archives départementales du Nord, mais celui des Archives départementales de la Haute-Marne ou du Museon Arlaten sont tout aussi intéressants et significatifs dans leur genre). L’auditoire est nombreux, concentré et les questions fusent dès que les débats s’ouvrent.

Enfin, ce qui ne gâche rien à ces journées, elles se sont accompagnées cette année de visites guidées des départements de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, dont les choix intelligents dans le parcours muséographique sont exemplaires.

Les journées de la conservation restauration sont désormais un rendez-vous incontournable pour tous les responsables de collections patrimoniales.

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(1) In Situ : Revue des patrimoines, t. 19, 2012.

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Une sélection de ressources en ligne désormais classiques permettant de faire la synthèse sur les principales caractéristiques de la conservation.

Rayonnage mobile

floor3_052 by Dave & Bry sur Flickr – CC By-NC-SA

L’IFLA propose deux documents essentiels : les Principes de conservation constituant le 3e numéro d’International Preservation Issues, particulièrement p. 25 à 40 (conditions climatiques et environnement), et le numéro d’International Preservation News de décembre 2011 (55) intitulé Energy savings and Preservation in Libraries and Archives, qui aborde cruciale question de l’adaptation des bâtiments et des conditions de conservation aux principes des économies d’énergie et du développement durable. Trois articles à signaler particulièrement : celui de J. Linden (p. 10), celui de B. Bonandrini à propos de l’exemple de Pierrefitte-sur-Seine (p. 21) et celui de M. Turpin (p. 37).

Pour la France, le Ministère de la Culture fournit différentes ressources :

Enfin, on ne manquera pas de se référer à la bible du bibliothécaire patrimonial, l’indispensable De tutela librorum d’Andrea Giovannini, dont la dernière édition est parue en 2010.

Pour une mise en images d’un projet tout à fait récent, il faut recommander le site internet mis en place à l’initiative du constructeur du nouveau bâtiment des Archives départementales du Nord ainsi que la visite virtuelle.

Ce mini-cycle était initialement prévu afin de rendre les catalogueurs de livre ancien autonomes dans la rédaction de notices « classiques ». Finalement, de nombreux autres membres de l’équipe ont participé aux séances (1/2 journée pour les points 2 à 6), y compris des magasiniers.

Les formateurs ont apprécié la motivation et la qualité d’écoute des formés ; les formés ont apparemment apprécié l’organisation de la formation et le fait que tous les exemples étaient tirés de situations qu’ils sont amenés à rencontrer très souvent au cours de leur travail.

  1. Manipulation et conditionnement de documents patrimoniaux (pour l’ensemble du personnel)
  2. Groupe de travail catalogage livre ancien : mise au point de la grille de catalogage Unimarc
  3. Ressources pour l’identification de livres anciens (auteurs, imprimeurs, provenances…) : à partir du cours en ligne de l’Ecole des Chartes et d’un groupe Diigo
  4. Initiation à la bibliographie matérielle
  5. L’illustration dans le livre ancien
  6. Initiation à l’identification des reliures

  • Conservation-restauration
Les Archives départementales des Alpes-Maritimes explicitent les techniques de restauration des sceaux et parchemins, ainsi que d’un ouvrage emblématique de la région, le Theatrum Sabaudiae.
Dans un mini-documentaire sur Le Livre des tournois du roi René (durée 5 min.), on entend successivement un conservateur, une chercheuse et une restauratrice évoquer les conditions intellectuelles et matérielles de fabrication et d’appréhension de cet exceptionnel ouvrage.
Deux montures affrontées

Livres des tournois de René d'Anjou sur Wikimédia Commons

  • Indexation collaborative
L’initiative émane encore des AD06, elle est simple, pédagogique, efficace et brillamment explicitée sous forme de fiche-projet : encourager la transcription de documents d’archives en déposant les images sur Wikisource. Histoire locale, devoirs d’étudiants, intérêt communautaire. Une démonstration de ce que service public veut dire.
  • Dépôt légal du web électoral
C’est parti ! Cette semaine, les bibliothèques de dépôt légal imprimeur ont été invitées à la journée de lancement de la collecte des sites, blogs, pages Facebook et autres tweets en relation avec les prochaines échéances électorales et surtout les candidats. Pilotée par la BnF, c’est cette initiative qui incarne le mieux à mon avis la coopération nationale documentaire.
  • Mais encore…
sur la liste de discussion BiblioPat ces dernières semaines, on a parlé des salles de lecture et fonds régionaux, du meilleur moyen de se débarrasser des moisissures et de la mémoire des bibliothécaires : n’hésitez pas à vous inscrire.

Fruit d’une sélection, forcément séduisantes, protéiformes et légitimantes pour le bibliothécaire aux prises avec la multiplicité des prescripteurs, voilà comment B. Calenge réhabilite l’exercice trop souvent considéré comme fastidieux ou inutile de la bibliographie.
J’en retiens la nécessaire problématisation de la liste constituée et sa brièveté : “quels sont les 10 ou 20 titres à lire pour embrasser le sujet ?” ou donner envie de “poursuivre le voyage”.

  • Deux articles de Frédéric Barbier sur l’histoire des bibliothèques

Tout d’abord un “plaidoyer” pour l’histoire du mobilier des bibliothèques, laissé de côté par les historiens de l’espace et de la profession, suivi d’une étude de cas : les circonstances de l’aménagement de la bibliothèque de l’Escorial (1563-1584) par Juan de Herrera.

C’est le nom du blog ouvert par le service de l’estampe ancienne du Département des Estampes et de la Photographie (BnF), dont l’objectif est de faire connaître le travail de ses conservateurs et de valoriser les collections. Au programme : la présentation des nouvelles acquisitions, des monographies de graveurs et des points techniques. Appétissant.

  • Europeana 14-18

Les actes du colloque organisé en décembre dernier sur cette grosse machine en cours de constitution avec pour acteurs français principaux la BnF, la BDIC, les bibliothèques du Ministère de la Défense et la BNU de Strasbourg sont désormais en ligne. Le blog “Sources de la Grande guerre” revient sur la genèse de ce grand projet et renvoie au travail de Jérôme Schweitzer sur la question.

  • La semaine du classement
fichiers de la bibliothèque Clementium de Prague

La boîte de conserve revient aux fondamentaux - Photo de BrunoDelzant sur Flickr CC By-NC-SA

 

Retour aux fondamentaux de la bibliothéconomie avec le dernier numéro du BBF : Paul Otlet, Eugène Morel, Melvil Dewey et Shiyali Ramamrita Ranganathan sont à l’honneur. Parce que de temps en temps, il n’est pas mauvais de retourner aux sources.

Les malades du classement qui auraient apprécié les articles précédents se délecteront aussi de ce nouveau manuel de l’AAF : le plan de classement des documents dans un environnement électronique (pdf), qui est tout à fait passionnant. Marie-Anne Chabin poursuivant son glossaire des archives avec le terme « promiscuité », ou la logique du panier garni, voilà qui constitue une bonne synthèse de ces liens.

  • Bibliographies

L’histoire de la Bibliographie nationale française, où les plus jeunes d’entre nous apprendrons qu’elle fut jusqu’en 1979 bibliographique et commerciale et que Livres hebdo est l’un des produits de sa scission, est relatée par Mathilde Koskas. On y suit notamment l’évolution des objectifs du dépôt légal depuis deux siècles.

On signale également le mémoire d’étude de Sabine Maffre (DCB) sur les catalogues des incunables.

  • Bibliothèques numériques

Publication des actes de la journée d’études du 16 décembre dernier Numériser le patrimoine pour le centenaire de la Grande Guerre avec notamment la présentation du projet Europeana 14-18 porté par la BnF, la BNU de Strasbourg et la BDIC. A lire pour savoir comment s’y associer.

Enfin, un support de formation dont le sous-titre pose une excellente question : créer ou ne pas créer sa bibliothèque numérique ?

 

Différentes raisons professionnelles et personnelles m’ont tenue éloignée de la veille et de son commentaire ces dernières semaines.

« Le Gazetier universel est une bibliothèque virtuelle ordonnée de la presse d’Ancien Régime. Ce répertoire, entrepris par Denis Reynaud au printemps 2009, propose aujourd’hui 8500 liens vers 425 titres de périodiques en langue française des XVIIe et XVIIIe siècles, librement consultables en ligne. Établi à partir de Google Books et de quelques autres sites, il est régulièrement complété et corrigé.Il est accompagné de liens vers le Dictionnaire des journalistes – et, bientôt, le Dictionnaire des journaux – de Jean Sgard. »

Un agrégateur indispensable à toute recherche sur les périodiques anciens, autant pour le renseignement du lecteur que la lutte contre le doublon dans les programmes de numérisation.

C’est ce que propose ce rapport de stage réalisé à la BM de Limoges, par la mise en place de sites relais (bibliothèques, chambres de commerce…) dans la collecte et le recueil du dépôt légal. Exemple transposable aisément, il faut s’en persuader, dans toutes les régions confrontées à des problèmes de dépôts de périodiques ultra-locaux et d’éphémères des départements très éloignés du chef-lieu.

Conservation et économies d’énergie

C’est le titre du dernier numéro (55) d’International Preservation News, dans lequel on retrouve notamment un article de Bruno Bonandrini sur les choix de surveillance climatique effectués pour le nouveau bâtiment des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, projet déjà présenté lors de la journée Patrimoine et conservation préventive à la BnF le 4 octobre dernier et dont je pensais avoir donné un compte-rendu mais en fait non (donc billet à suivre).

Survenue en fin d’année dernière. L’hypothèse théorique de la transposition à la France y est explorée, avec à mon avis l’absence de référence à BAnQ qui, bien que sur un autre continent, montre comment on peut articuler bibliothèque publique, bibliothèque de conservation et centre d’archives nationales, à la fois dans l’espace (des salles distinctes dans le même bâtiment) et dans les collections (distinction stricte entre collections patrimoniales/archives et collections non patrimoniales).

à la Médiathèque de Hyères-les-Palmiers ces dernières semaines. Nous avons la chance de conserver l’une de ces belles reliures en marqueterie qui sont un régal pour les yeux.

Reliure marquetée sur Gargantua, de François Rabelais, par Alain Tarral

Reliure marquetée sur Gargantua, de François Rabelais, par Alain Tarral, prise sur son site.

C’est un rapport confié en 2010 à Christine Girard et Benoît Lecoq qui vient d’être mis en ligne.  Il commence par un état des lieux du SUDOC et du CCFr et services associés, avant d’essayer de dégager les enjeux du catalogage national : accroître l’utilisation par les professionnels, élargir l’audience des catalogues et la visibilité des ressources, relever le défi du signalement des ressources numériques. Cinq propositions concluent le rapport :

  1. développer et renforcer une stratégie nationale des catalogues collectifs ;
  2. renforcer la cohérence et la visibilité des catalogues ;
  3. mieux circonscrire les périmètres ;
  4. développer la communication autour d’une logique de services ;
  5. améliorer l’ergonomie des catalogues.
bol de groseilles, plume d'oie

Cela ne vous rappelle rien ? - mylorraine.com

Comme pour le précédent rapport commenté dans ce carnet, je me contenterai ici de partager mes notes de lecture, sans chercher à en faire la synthèse complète.

  • Le rapport rappelle avec utilité que le CCFr permet les récupérations de notices, mais seulement de manière indirecte (FTP ou Z39-50).
  • J’y ai appris qu’il était question que l’intégralité des catalogues des BDLI puisse être versé dans le CCFr, les auteurs du rapport n’y voyant guère d’intérêt – dans la perspective de garder au CCFr sa dominante patrimoniale – sinon le rattachement des exemplaires issus du dépôt légal imprimeur aux notices bibliographiques issues du dépôt légal éditeur (rôle d’agence catalographique de la BnF).
  • Si le catalogage des ressources numériques est un enjeu à la fois pour l’ABES et pour la BnF via leurs catalogues respectifs, le rapport précise à juste titre que la plupart des autres ressources documentaires (périodiques, son, image, iconographie etc.) n’ont jamais fait l’objet de ce type de convergence et que leur signalement demeure à la discrétion des établissements.
  • L’exemple archi-connu de la bibliothèque municipale de Fresnes, mais qu’il est bon de rappeler de temps en temps, fournit l’occasion de pointer l’hyper-perfectionnisme local, les bibliothèques corrigeant (!!!) les notices récupérées, et surtout d’encourager la BnF à valoriser le service de récupération des notices bibliographiques et des autorités. Ajouterai-je : « d’encourager les fournisseurs de SIGB à développer les passerelles adéquates ? »
  • Encore une fois est martelée la nécessité pour chaque notice bibliographique de posséder une URI, de lier description de l’exemplaire et ressource numérique/numérisée.
  • Fort heureusement les auteurs du rapport n’oublient pas de souligner que l’enjeu fondamental des catalogues collectifs réside dans les « web services » et l’interopérabilité, mais ils se gardent bien de prôner l’ouverture du CCFr au catalogage direct (comme le SUDOC)
  • J’ai appris l’existence d’ISTEX qui consiste à acquérir des licences nationales de ressources numériques et y donner accès sur une plate-forme unique.

Le rapport se termine sur ces quelques phrases à garder en mémoire, engageant les lecteurs à :

… prendre pleinement acte du fait que les catalogues, toujours utiles à l’identification et indispensables aux opérations de gestion interne, ne sont que secondaires pour les usagers. Le temps et les moyens que la bibliothèque consacre à leur réalisation doivent être réévalués en conséquence. Dans le souci d’une utilisation économe et adaptée des données publiques, il est essentiel que les lourds investissements publics consentis pour les grands catalogues nationaux servent à tous.

Verrons-nous bientôt la grande enquête sur les pratiques bibliothéconomiques locales que les inspecteurs appellent de leurs vœux ? Espérons-le. Nous serons édifiés.

Joyeux Noël bibliothécaire(s)

La belle et intéressante revue en ligne de la Direction générale des Patrimoines revient sur la prise en compte récente des patrimoines (immobilier, mobilier, intellectuel, écrit…) des universités et grandes écoles en France. Champ à explorer, mais trop souvent déficient en raison d’un manque d’attention de la part de ses responsables et usagers.

50 photos choisies lors du récent concours « Wiki loves Monuments » qui viennent enrichir la déjà très belle exposition virtuelle sur l’Art nouveau ouverte sur Europeana.

Dessin sobre, répartition efficace (magasins/bureaux/salle de lecture), il est à souhaiter que rien n’a été oublié dans ce projet ambitieux qui servira certainement, s’il est réussi, de modèle pour les quelques années  à venir.

avec cette jolie présentation Prezi (en anglais) qui démontre à partir de WorldCat comment l’utilisation des FRBR peut améliorer la pertinence des résultats de recherche (j’espère bien traduire « relevancy »).

un diaporama par Nathalie Daigne et Silvère Mercier où l’on retient que l’important n’est pas l’outil (Facebook) mais d’être « dans le flux » des internautes (50% ont un compte FB). Et aussi l’importance d’un groupe de gestion associé au groupe public.

Il porte le joli nom de Mémoire vive et regroupe tous les établissements culturels municipaux. Pour le moment encore un peu léger sur les contenus, mais prometteur en matière de fonctionnalités. Et interopérable Gallica.

Enfant rieur sous des vêtements d'hiver
Frileux, les archivistes ? Pensez donc ! – By http://www.flickr.com/photos/vatobob/ [, via Wikimedia Commons« ]

La frilosité archivale active (FAA) désigne un comportement compulsif face aux documents.
La frilosité archivale passive (FAP) renvoie à l’immobilisme devant les masses documentaires périmées qui ne demandent qu’à disparaître. On la rencontre surtout chez certains supérieurs hiérarchiques.

Verbatim, irrésistible.

Ne pas confondre la fin et les moyens, une tentation de l’archiviste et du bibliothécaire

Il est d’usage dans notre métier de dire que les archivistes ont 4 missions fondamentales : Collecter, Classer, Conserver, Communiquer. Les célèbres 4C organisent toute notre pratique quotidienne.
Sauf que c’est faux.
L‘archiviste n’a que deux missions : gérer les flux d’information et transmettre le patrimoine. Les 4C ne sont que les moyens indispensables à mettre en œuvre pour remplir ces missions. Nombreux sont ceux qui rétorqueront que c’est une évidence. Que cela va sans dire. Mais je pense que cela va quand même beaucoup mieux en le disant.

Un article de Jordi Navarro à apprendre par cœur, histoire de revenir aux fondamentaux une fois de temps en temps.